Pau, Palais de justice. 9 février 2009

Fouille, portique, comme si on consentait juste à vous laisser assister à la justice que l’on rend en notre nom. On est toléré, mais une fois débarrassé du tournevis du fond du sac et de la lampe de poche qui aurait pu se prendre pour une chaussure anti-Bush. On ressent bien que l’on est là parce que dans sa grande mansuétude l’administration et le pouvoir le veut bien. Contrôlé par le salarié d’une société privée. Premier pas en direction d’une privatisation de la justice ?

Le palais de justice de Pau avec ses airs de chapelle, confirmés par la présence d’un immense Christ en croix au dessus des juges dans une des salles d’audience .. Peut être a t il été enlevé depuis. La salle des pas perdus résonne d’un écho permanent pour rajouter encore du religieux à l’ambiance. Y juge-t-on des délits, des crimes ou bien des péchés. Fous que nous sommes de venir chercher la justice en ces lieux. Ici le rite et le décorum masque la basse besogne de remise à la norme. Norme qui se rétrécie, norme dont on feint d’ignorer l’origine.

Ici le péché ne se juge pas aux assises mais dans un quasi grenier au fond d’un corridor et au haut d’un escalier. Et ce péché est originel pour celle qu’on juge, c’est de n’être pas française Appellation d’origine contrôlée. Bien sûr, elle n’est pas là pour ça, mais pour une des nombreuses péripéties de la procédure, ce paravent face à l’inique.

On est loin de l’image de la justice colportée par les médias, d’une justice solennelle avec de grands effets de manches, dans les boiseries. Là, on est sous les toits, avec des couloirs où il faut baisser la tête pour passer. Les dossiers s’entassent au dessus des classeurs où ils ne peuvent tous rentrer. La salle mansardée est pleine du fait de la présence d’un public de 5 personnes. Les procès verbaux sont déjà à moitié remplis et le juge se contente de dicter un résumé des interventions de l’avocat général et de l’avocat de permanence. Une justice qui n’a pas les moyens de l’image de la justice. Et pourtant que de moyens mobilisés pour donner une image inflexible à notre petit président et caresser dans le sens du poil les électeurs qu’il cajole.

En fait, on est là, pour l’appel du parquet face à la décision du juge des libertés et de la détention de Bayonne qui a demandé la libération de cette femme du centre de rétention d’Hendaye où elle est détenue.

Elle est géorgienne, en France depuis 6 ans, chez des amis à Foix. Elle a été arrêté par les gendarmes d’Oloron qui, selon l’avocat, ne lui ont pas permis de joindre son avocat. Elle se retrouve, sur décision préfectorale, au centre de rétention (une des prisons de la honte actuelle) d’Hendaye. Elle a laissé à ses amis son enfant de 16 mois. Cet enfant n’a aucune existence légale dans son pays d’origine et, né en France a été déclaré à l’État civil de l’Ariège. Il n’est donc pas expulsable.

Mais la machine à foutre en l’air des vies travaille avec application. Ses nombreux exécuteurs travaillent consciencieusement. Il ne sont pas plus mauvais que cette masse de français qui a mis à la tête du pouvoir les idées de Le Pen dans des conditions où elles pouvaient être réalisables. Le raisonnement simple, et donc forcément faux, que si on est pas en sécurité, c’est parce que il y a trop d’étrangers, que si il n’y a plus de travail, c’est la faute des étrangers, etc.. La possibilité d’avoir enfin un ordre quasi divin qu’on a pas besoin de remettre en question. Une simplification qui permet de vivre sans problème de conscience. La France a un pouvoir égoïste, une politique égoïste, parce que la France est devenue égoïste.

Cette femme a su tirer la larmette de ceux qui s’indignent encore, souvent motivés, il est vrai, par un fond de morale chrétienne. Mais quid des 4 autres retenus qui n’ont droit à la compassion de personne. Spectateurs qui ne peuvent que regarder et écouter ce qui pour eux est incompréhensible. Même pour ceux qui ont la chance d’avoir un interprète. Qui après avoir vécu, quelques années ici, vont se retrouver chez eux, marqués comme délinquants. Ni tout à fait d’ici, ni tout à fait de là. Un de ceux qui comparaissait, d’origine tunisienne, l’a bien dit : « Je suis à moitié français ». Moitié tunisien, moitié français, mais on n’est pas là en arithmétique, deux moitiés ne pourront jamais faire un homme. Nous nous émouvons d’une poignée de situations dans lesquelles sont impliqués des enfants, mais nous nous dédouanons très vite des milliers d’autres êtres humains plus mal traités que des chiens.